mercredi 30 novembre 2011

Des altermondialistes ou un autre monde de cons.

V’là qu’ça r’commence.

Je m’étais pourtant bien promis de ne jamais refoutre les pieds dans ce genre d’endroit. Mais non, j’y suis effectivement. Ce petit appart’ qui sent la crasse graisseuse et noire, et la vieille fumée. Il y a tout, le poster vert jaune rouge Bob Marley et le Bart Simpson qui fume un joint, les deux fauteuils en cuir éventrés, le clic-clac dont la crasse concentrique semble figurer un gouffre prêt à digérer quiconque y pose son fondement, le pouf nauséabond en cuir rapporté du Maroc, la moquette dont la bière, le coca, les bouts de tabac et les vieilles cendres ont définitivement scellé le triste sort. Je suis aux aguets, la médiocrité n’attend qu’un seul mouvement de faiblesse de ma part pour me sauter à la gorge et aspirer mon âme. Cyril et Sébas’, crânes rasés, sweats à capuche élimés à coups de boulettes incandescentes, pantalons tenant à leurs séants contre les lois de la physique, anneaux à l’arcade, casquettes délavées avec des bouts de briquet sur la visière (pourquoi?) s’enfilent également la même königsbräu éventée, en caressant les mêmes bâtards putrides et en scandant les mêmes “Ouacoouule” pendant le récit de Serge. Le sergio ne se sent plus de joie et pour montrer sa belle voix, continue son factum sur son épopée à moto de Noisy-le-Grand à Boussy-Saint-Antoine en 1987 avec Corinne du groupe Téléphone. Sa gueule est burinée par une consommation de came coupée à tout et n’importe quoi. Ses quelques dents restantes semblent se balancer à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Il porte un jean style “fin de Gainsbarre” et un T-shirt kiloutou. Je le sens tellement heureux de pouvoir gratter 3 joints mais surtout que quelqu’un daigne encore lui parler. Cyril se penche lentement vers le carton retourné qui sert de table basse, colle deux feuilles et ...Oh non, c’est affreux,… décortique des mégots de clopes roulées pour confectionner son pétard. Je regarde autour de moi; personne ne réagit. Je commence à douter. Une mauvaise blague, on me filme? Bon, avant qu’il ne me le fasse tourner, la prudence me dicte de rejoindre Stéphanie et Cédric autour du bar qui sépare la kitchenette du reste de la pièce. Ils débattent sur cette notion fourre-tout et surtout cache-misère intellectuelle qu’ils appellent le “système”. La fenêtre au-dessus de l’évier laisse passer un léger filet d’air qui vient me glacer les lombaires laissés nus par la position que m’impose ce tabouret de bar de merde. Les propos de Stéphanie m’indiffèrent profondément et malgré moi, je la détaille de pied en cap. Des sandales en cuir achetées au marché des créateurs, un sarouel à rayures, un débardeur jaune-pisse et surtout cette inénarrable queue de rat derrière sa coupe en brosse. Je vois apparaître l’appendice capillaire chaque fois qu’elle rapproche sa bouche de ses doigts jaunis pour tirer une latte de sa clope énorme et froissée. En face d’elle, Cédric lui donne la réplique. Il ressemble à Jésus mais avec des lunettes et sans charisme. Il porte un T-Shirt “Sortons de l’âge nucléaire” fabriqué en Chine avec du coton OGM et déblatère avec une fougue molle sur le côté intolérable de l’économie qui prend le pas sur l’humain. C’est l’intello du groupe, et pour cause, il est en licence de philo, c’est dire s’il s’y connaît pour donner son avis sur tout. Et vas-y que ça blablate pendant des heures sur ce qu’il faudrait faire, comment il faudrait le faire etc. Le clonk irrégulier de la fenêtre au gré du vent me rappelle son isolation merdique. Mes doigts pâlissent de froid. Au bout d’un moment, n’en tenant plus d’impatience de titiller les révolutionnaires du pack de kro tiède, je demande innocemment à Cédric ce qu’il fait concrètement à part signer des pétitions sur internet. Quelle vague d’indignation je n’avais pas déclenchée là. Jamais je n’aurais imaginé qu’il puisse y avoir autant d’engouement et d’énergie à essayer de se justifier face à l’inconséquence de ses causeries. Me voici devenu le suppôt du grand capital, le chantre du libéralisme, le porte-parole de l’UMP.  Que de grandes tirades déculpabilisatrices et de contorsions sémantiques pour en arriver à : “De toute façon, t’es trop conformiste, tu peux pas comprendre.”... tout en m’exhalant un nuage capiteux de django au visage...



Je me vois l’attraper par la queue de cheval, ou plutôt d’âne bâté, et coller son profil anguleux dans la canette de heineken pliée en forme de fleur qui sert de cendar pour lui susurrer tendrement à l’esgourde :”Ecoute-moi bien, petite crotte. Je n’en ai rien à foutre que, cette année, tu aies enfin lu un bouquin d’Edgar Morin mais n’essaie pas de m’en revomir des extraits en tentant de me faire croire que tu en es l’auteur.  Je sais que l’an prochain tu t’enfileras les contrefeux de Bourdieu et avec un peu de chance du Foucault. Ton petit numéro marche peut-être avec les dupes petites connes de lycéennes à keffieh dans les manifs mais ne joue pas à ça avec moi. Ta petite posture aussi basse de plafond que ton appart’ est aussi cliché que nuisible à la cause que tu prétends défendre. Renonce à tes APL, à ta bourse et aux sous de papamaman et vas cueillir des pommes pour payer ton loyer. Là, tu pourras venir te faire passer pour un rebelle en mousse à mes yeux. Et par pitié,  pense, réfléchis, cogite, utilise ton cerveau, tergiverse, perds-toi en spéculation, argumente, fonde toi ta propre opinion avant de venir faire le chaud (show) devant moi. Alors retourne coller des autocollants de groupe de reggae sur ton ordinateur portable et surtout garde tes discours moubversifs pour tes dégénérés de copains.



...“Faudra que tu me mailes quelques liens que j’étudie tout ça.” Je lui souris.

Mais qu’est-ce qui me retient?

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